PROLOGUE
Au milieu du
monde des idées, dans une galaxie résultante de la casse provoquée par le choc
de celles-ci entre elles, nous remarquons une sphère couverte de brume.
Un souffle
stellaire écarte les nuages ruisselants pour donner un curieux spectacle.
Un noyau
central plat bien fixe dans l’espace au milieu de continents changeants ;
à la fois ronde et plate, faite de plateaux mais sans logique de sens - comme
si le créateur n’avait pu se décider sur l’endroit ou l’envers- cette planète
était sans aucun doute l’œuvre d’un grand malade.
Les plateaux
en perpétuel mouvement et changement de formes rendaient la tâche des
cartographes à la fois ingrate et captivante.
L’existence
d’un tel non-sens restait du domaine du secret – tout comme celui de
l’hypothèse- puisqu’il est dur
d’affirmer les changements comme perpétuels tant qu’on n’a pas pu étudier le
phénomène à l’infini.
Certains
affirmaient que tous ces changements avaient un but, d’autres que c’était un
schéma qui se répétait à l’infini. Certains audacieux prétendaient même que il
n’y avait aucun sens à trouver et que tout avait commencé sans but logique et
continuerais à l’infini dans un joyeux chaos de non-sens.
Les mages
avaient bien entendu beaucoup à
faire ! A la fois pour maintenir tout ça secret – sinon ce serait la
panique et le chaos - et pour l’étudier.
PREMIERE PARTIE
ODEUR DE SOUFFRE
Eddy dévala
les escaliers de la salle des archives sans se soucier des cris aigus et
indignés des secrétaires qui voyaient leurs piles balayées par le courant d’air
qu’il venait de créer.
Il sauta
par-dessus le comptoir central, sa veste bleue d’employé des archives voletant pitoyablement en morceaux disparates
et en volutes de fumées comme les draids d’un yack carbonisé qui tenterait de battre
le marathon de saut en hauteur.
Il atterrit
au milieu des caisses de dossiers traités, dispersa le courrier en attente et
plongea sur le téléphone central.
Devant l’air
outragé et l’œil courroucé de la directrice en chef des archives, il se cacha sous
le comptoir tout en gardant le téléphone. Elle allait sans aucun doute arriver
mais au moins ainsi entre temps il
pouvait oublier la terreur que lui inspirait le moment de la confrontation. Il était pris au piège.
La musique
d’attente fit enfin place à la voix du dispatching des appels ; juste au
moment où la main crochue de la directrice s’accrochait au comptoir comme la
serre d’un vautour qui aurait volé toutes les bijouteries du pays !
-
Centre
des appels d’urgence, j’écoute.
-
Euh…
fit Eddy
La directrice
le foudroya du regard ; il était
interdit d’interrompre un appel d’urgence.
-
Centre
des appels d’urgence, j’écoute insista
la voix.
-
Euh…
fit Eddy en tâchant de regarder ses pieds pour échapper au reflet de sa propre terreur dans les lunettes de la
directrice.
-
VOUS
ALLEZ SIGNALER L’URGENCE OU JE VOUS NOTE DANS LE FICHIER DES APPELS
PARASITES ? !
-
Euh…
Eddy déglutit la gorge s èche à l’idée de ce qu’il s’apprêtait à signaler.
Il y a un dragon dans mon bureau.
-
…
-
Je
vous jure ; ce n’est pas une blague ! Il a même déchiré ma
veste !
A grande altitude au-dessus de la ville Noyau-Céleste, un
mage sondait la zone avec un récepteur d’appels.
Les yeux aussi dilatés qu’une chouette se réveillant d’un
cauchemar braquée par une lampe solaire, le mage réajustait ses lunettes de
vol. En matière d’être volant, il
n’avait rien à envier à un oisillon avec ses quelques mèches disparates en pétard
qui semblaient avoir été semées au petit bonheur la chance sur son crâne
dégarni.
Les patrouilles étaient assurées en continu ; c’était
chacun son tour. Et aujourd’hui était le tour du mage Pikurdent (surnommé
LaChouette par ses confrères).
Tout avait pourtant pas mal commencé ce matin… jusqu’à ce
que le préfet de la tour des mages
lui tombe dessus dans le couloir en brandissant la
liste des tours de garde pour les patrouilles.
-« PIKURDENT ! Pouvez-vous m’expliquer pourquoi ça
fait 3 mois que votre nom n’est pas apparu sur la liste !? »
-« Oh ! Monsieur le Préfet quel plaisir… »
C’était la meilleure phrase tactique pour gagner du temps quand on tombe nez à
nez avec un supérieur ; autant dire avec du travail à accomplir.
« Hum… Bien en fait vous voyez le mois passé j’avais
fait une horrible crise allergique à cause d’un pudding » Sous le regard
en biais de préfet, il toussota et se découvrit une fascination pour le bout de
ses semelles.
-« Et je suppose que le mois précédent celui-là c’était
une fièvre atypique qui avait pour origine le gigot à la menthe ? !»
-Pikurdent releva les yeux d’un air étonné et innocent
« Oh ! Vous étiez donc déjà au courant ? »
Le regard incendiaire de Mr le Préfet lui fit vite retrouver
sa passion pour le bout de ses semelles… Les épaules abattues et l’air penaud
il s’avoua vaincu « Bon bah… je vais aller chercher mon balai et passer à
la salle de garde pour le matériel. » Trop heureux de s’en tirer avec si
peu d’ennuis (et Mr le Préfet avait la réputation d’avoir une imagination très
fertile en la matière) Pikurdent fila
comme une souris devant le nez d’un chat ( les émotions comprises).
Voilà comment le mage Pikurdent en était arrivé à se trouver
là lorsqu’il capta l’appel aux urgences d’Eddy.
Le bâtiment des archives, au coin de la rue Du Fourre-tout,
était plongé dans un chaos total. Des employés sautaient des fenêtres en
courant – même ceux de la cave – et les papiers voletaient gaiement comme des papillons dans l’air au lieu de
s’aligner en piles bien rangées.
C’était le chaos dans presque tout le bâtiment ; presque
car dans le bureau de Madame Guyps (la
directrice en chef des archives ) régnait un atmosphère lourde de reproches qui
pesait sur les épaules de Eddy.
Les ongles de la directrices en chef battaient le bureau
comme une armée de pigeons devant des miettes de pain.
Les petites lunettes rondes à armature fushia ne pouvaient
cacher les yeux plissés en une expression de haine dégoûtée. Quand bien même les lunettes y seraient
arrivées, il restait cette bouche aux
lèvres mauves rehaussées d’un diamant (qui pour l’heure était caché par les
plis d’une vilaine grimace).
- -
Avec
une voie aigüe Madame Guyps commença le
supplice de Eddy - mérité et administrativement adapté
– « Et doooonc…
commencez par m’expliquer Eddy pourquoi vous avez cru bon de mettre du désordre
dans les piles de dossiers de vos collègue ? ! »
- -
Eddy
chipotait aux lambeaux de sa veste « Et bien… comme je l’ai dit il y
avait un dragon dans mon bureau… »
- -
« Et
EN QUOI cela vous dispensait-il de sortir de manière civilisée de votre bureau ?!
- -
Ne
trouvant rien à répondre à cela Eddy commença à effilocher les bouts de tissu « En rien je
suppose ? »
- -
« E
X A C T E M E N T ! » Madame Guyps fit claquer sa langue « Et
arrêtez de malmener votre uniforme ! C’est le bien de la
cité ! » elle sembla s’adoucir un peu « La cité payera pour les
dégâts dus à une catastrophe pas à ceux
que vous pourriez lui infliger. »
- -
Eddy
se rabattit sur ses ongles. « Oui Madame la Directrice en Chef. »
Alors que Madame Guyps sortait du tiroir de son bureau le
formulaire de rapport de fautes professionnelles C98, une main salvatrice vint
frapper à la porte.
-« Madame la Directrice en Chef, un mage demande qu’on
lui amène Eddy. »
-L’air indigné du vautour qu’on chasse de son festin, Madame Guyps
rangea le formulaire dans le tiroir. « Ne croyez pas que c’est fini
Eddy ! Nous aurons notre petite discussion demain à votre pointage du
matin de 07h00’00’’ ! »
Monsieur Pikurdent avait bien entendu suivi la
procédure en cas d’appel hypothétiquement du ressort des mages :
suivre l’origine du signal et une fois sur place écrire les coordonnées du lieu
sur le parchemin pour le renvoyer avec le balai à la tour des mages. Une fois le message arrivé à la tour, un
expert serrait envoyé pour seconder le mage dans l’enquête.
Tous les balais étaient prévus pour revenir à la tour des
mages ; en soi c’était à la fois le
meilleur antivol et navigateur… en considérant que le seul point important
était la tour des mages bien entendu !
L’inconvénient principal étant que si vous lâchez votre balai plus de 2
minutes, si vous en tombez ou si vous oubliez de l’attacher avec un poids de 20
kg, vous n’aurez plus qu’à aller le
récupérer à pied à la tour des mages.
Monsieur Pikurdent attendait donc l’expert sur les marches
menant au bâtiment des archives… Fichtre ! Il était déjà 11h00 ! A ce
rythme-là il allait rater le pâté aux myrtilles qu’il avait vu préparer pour ce
midi !
Comme un lion mis au jeûne avec des yaourts, Pikurdent
faisait les cent pas.
Au bout de dix minutes les escaliers semblaient avoir
imprimés un sentier pour son passage ; au bout de quinze il n’y tint plus
et prit déjà les devant en se rendant à l’accueil dudit bâtiment pour demander
à s’entretenir avec l’individu responsable de l’appel.
Au pire il aurait un entretien où il aurait à
s’expliquer ; au mieux l’expert le gratifierait d’une claque dans le
dos et - pourquoi pas (Pikurdent était optimiste)
- lui offrirait un godet d’hydromel. Dans tous les cas, ses chances d’arriver à
temps pour le pâté aux myrtilles étaient accrues.
Malgré son physique peu flatteur ( et – disons-le - aussi impressionnant qu’une vieille rosse mal
brossée ), Mr Pikurdent portait une tenue de mage ! Voilà pourquoi la dame
de l’accueil n’osa pas discuter face à la requête de ce personnage.
Un mage c’est un mage ; quel qu’en soit l’air ou
l’apparence ! On ne discutait pas avec eux car ils étaient là pour régler
les ennuis et sujets auxquels on n’avait vraiment pas envie de prendre part (ni
de se mêler) !
Eddy suivit la secrétaire dans le cabinet des entretiens et –
sous le regard noir et torve de Madame Guyps – ressentit un immense soulagement
en refermant la porte derrière lui.
Soulagement qui fut vite remplacé par un creux dans l’estomac
lorsqu’il vit le mage déjà assis au bureau au centre de la pièce.
Avec un sourire tout en dents qui laissait apparaître les
reliefs d’un repas (Un bout d’os de dinde qui jouait au pendule sur du
persil ?!!!) , le mage l’invita à
s’asseoir.
-
- « Alors
Monsieur Eddy, comme ça il y aurait un dragon dans votre bureau ? »
- -
Encore
hypnotisé par les dents du mage (et surtout par l’identification de ce qu’il y
avait entre celles-ci), Eddy cligna des yeux « Pardon ? »
-
- « C’était bien vous l’appel pour le
dragon ? »
- -
« OH !
Oui, oui. Enfin… oui, je crois. »
- -
« Vous
croyez que c’est vous ou vous croyez qu’il y avait un dragon ? »
- -
Eddy
se tortillait sur sa chaise « Baaaah… les deux je suppose, maintenant que
vous le dites. »
C’est là que l’expert entra dans la pièce d’un air furibond.
-« MONSIEUR Pikurdent ! » On ne se faisait pas
des reproches devant les gens normaux mais le ton était suffisamment explicite.
-« Bonjooooour Monsieur l’Expert Bristol ; quel
plaisir ! » Pikurdent toussota. « On vous attendait
justement ! Et Monsieur Eddy vient de confirmer que c’est bien lui qui
croit bien avoir vu un dragon. »
-L’expert Bristol alla chercher le fauteuil dans le coin de
la pièce (un fauteuil en cuir rouge qui avait l’air encore plus confortable que
le dos d’un mouton qui serais gras comme un hippopotame) et se dirigea avec
celui-ci au-dessus de la tête à
l’emplacement de Monsieur Pikurdent « Vous permettez ? ». La
voix affable lui donna des sueurs froides… Si il était bien une chose dont
Pikurdent se méfiait c’était de ce ton-là !
-« Mais tout naturellement voyons » Pikurdent
battit en retraite (au sens propre comme au figuré) et déplaça sa chaise en
retrait.
Il toussota. « Bon ; donc je suppose que nous
pouvons commencer l’interrogatoire… » Le sourcil de Mr Bristol eut un
soubresaut « …Euh… le témoignage je vous dire ! ça va de
soi ! Haha… j’aime faire de
l’humour ! COUIC ! » (Mr
Bristol avait les coudes pointus et rapides)
-« Vous allez bien ? » Eddy espérait détendre
l’atmosphère avec cette question. Eddy ne comprenait pas trop ce qu’il se
passait. Il n’était d’ailleurs pas
vraiment à l’aise dans cette pièce avec ces deux individus. Pour tout dire il
se savait simplement inquiet mais n’arrivait plus à en identifier la cause exacte.
-« Qui moi ? OOOOUUUUUI je vais trèèès bien. »
Pikurdent offrait un large sourire forcé (qui offrait d’ailleurs à nouveau un
spectacle qu’il valait mieux ne pas regarder).
-Mr Bristol se racla la gorge « Et donc Eddy, commençons
par le début ! Vous êtes certain que quand vous êtes entré ce matin dans
votre bureau le dragon que vous pensez bien avoir vu n’y était pas
déjà ? »
-« Baaah… c’est-à-dire que je ne l’y ai pas vu en tout
cas ! Enfin je veux dire ; un dragon de cette taille je pense que je
l’aurais remarqué. »
-« Vous pensez ;
donc vous n’en êtes pas sur ? ! »
Les sourcils de Mr Bristol étaient son arme la plus efficace (même si les
coudes n’étaient pas en reste dans le classement).
-« Euh… maintenant que vous le dites... vous me faites
douter. » Eddy effilochait à nouveau les lambeaux de sa veste.
-« Bon. Bien. Au moins c’est vous réfléchissez avant de
répondre. Faut-il que je sorte le détecteur de sincérité ou vous vous sentez
capable de faire vous-même le tri dans vos pensées ? »
-« H E I N ?! Je croyais que c’était une légende
cet appareil ! » Eddy n’aimait décidément pas la tournure que
prenaient les choses ; c’était bien un interrogatoire alors
finalement ?!
-Mr Pikurdent se sentit le besoin d’intervenir face au
silence qui régnait tout à coup « Et bien fait voyez-vous à une époque oui
mais. .. COUIC ! »
-Mr Bristol se racla la gorge « Monsieur Pikurdent ne se
sent pas très bien ; ne faites pas attention. Il va d’ailleurs aller nous
chercher de l’eau ; n’est-ce pas Monsieur Pikurdent ? » Encore
une chose qui allumait tous les radars de Mr Pikurdent ! Une question qui
n’en était pas une ! Décidément ; la journée allait de mal en pis (et
il était presque midi ! )
-« Oui, oui ! Où avais-je la tête ! Je vais
nous chercher de l’eau ! » C’est vrai que le mage avait l’air d’avoir
soif avec toutes les gouttes de sueurs qui ruisselaient entre les touffes de
cheveux sur son crâne qui avait viré au rouge (sans parler de la buée sur ses
lunettes). Eddy espérait qu’il trouverait le chemin du retour car des deux
c’était encore le plus sympathique.
Mr Bristol fixa Eddy droit dans les yeux et alluma la petite
lampe de bureau qu’il braqua sur lui.
-« BON ! Alors maintenant dites-moi E X A C T E M E
N T ce que vous faisiez juste avant de remarque qu’il y avait un
dragon ! »
- « Euh… C’est-à-dire que je ne faisais rien en
particulier. J’étais juste en train de trier les archives de la section
°contraventions civiles° par piles de traités et non
traités. »
-« Et ce faisant vous n’aviez rien de particulier en
main ou en tête ? » Mr Bristol avait le visage caché par l’éclat de
la lampe.
-« Euh… bah j’avais un crayon en main. Pourquoi ?
Ça attire les dragons ? »
-« C’est à vous de répondre aux questions, Monsieur
EDDY ! Avez-vous fait des gestes avec ce crayon ? Avez-vous
murmuré ou pensé quelque chose de particulier ?!»
- De nouveaux ces sourcils ! Eddy avait le sentiment
d’être retourné sur les bancs de l’école face à une interrogation orale devant
toute la classe.« Quoi ? Comme des incantations ou une formule
magique ? »
- Mr Bristol se leva d’un bond « AH ! DONC vous
avez bien volontairement tenté d’invoquer quelque chose ! »
-« Euh… Non pas du tout ! C’est vous qui avez sous-entendu des
choses ! Moi j’étais simplement malheureux et en train de trier de la
paperasse comme tous les jours de ma vie depuis que j’ai été engagé ici ! J’étais
en train de rêvasser pour essayer de faire passer le temps en attendant
qu’arrive la pause de midi ; je ne faisais vraiment rien de
particulier ! »
Eddy avait la voix qui se brisait et était prêt à fondre en
larmes. Pourquoi lui ? Tout ce qu’il voulait c’était une vie rangée et
calme avec le plus de temps libre
possible pour pouvoir faire des siestes ou rêvasser sur son petit tabouret en
bois à l’ombre de sa terrasse ou près d’un ruisseau. Des aspirations simples et
plus que raisonnables !
-« ET VOUS APPELLEZ CA RIEN !?!!! » Mr Bristol
semblait furibond.
Alors que Eddy se tenait raccroché à sa chaise pour éviter de
s’évanouir de stress,
Mr Bristol Fixa la porte d’un air sévère (pour être exacte
c’est plutôt la poignée de celle-ci ). « Voilà Mr Pikurdent qui nous
revient ! »
-
Pikurdent
ouvrit la porte (ou plutôt le coude – ou repli de gras – puisqu’il avait les mains pleines de
bouteilles d’eau) et déposa très fièrement trois bouteilles sur la table.
- - « J’ai ramené de l’eau ! Mais comme je me suis dit que un verre ce ne
serait pas assez bah j’ai pris des bouteilles ! » Alors qu’il
s’asseyait en se laissant tomber sur la chaise – absolument pas conscient du
stress qui planait dans l’atmosphère – Pikurdent se tourna vers Eddy
« Mais j’y pense ! Ce serait pas mal qu’on sache ce qu’il faisait le
dragon ! Il a craché du feu ? de la glace ? de l’acide ? du
poison ? autre chose ? ARGH ! COUIIIIIIIC ! » (Ce soir
c’était certain qu’il aurait le corps recouvert de bleus ! )
-
Eddy
– complètement abasourdi – était partagé entre le soulagement d’un changement
de sujet et l’inquiétude par rapport à ce qu’il venait d’apprendre.
- «Un dragon peut vraiment
cracher autre chose que du feu ?! »
-
Mr
Bristol rabaissa l’ampoule de la lampe et ne chercha plus à cacher le fait
qu’il donnait des coups à son collègue. « Oubliez ce que Monsieur
Pikurdent vient de dire ! Enfin ; sauf si le dragon l’a
fait ? »
-
Eddy
cligna des yeux pour se réhabituer à la luminosité du bureau. « Fais
quoi ? »
-
Mr
Bristol tapait du pied d’impatience. « Le DRAGON ! Crachait-il
quelque chose ? »
-
« Euh…
Je crois oui. Il a brûlé ma veste. »
-
« BON »
Mr Bristol regarda sa montre. « Allons un peu plus vite parce que on a encore pas mal à faire ! Il faisait
quelle taille à peu près ? Quel type de peau ? »
-
Eddy
plissa des yeux pour réfléchir. « Euh… L’espace entre mon bureau et
la fenêtre était bouché… je dirais la taille d’une très grosse vache mais qui
aurait un très long cou et une très longue queue » L’espace d’un instant
Eddy se demanda si on pouvait traire un dragon et quel goût ça pouvait avoir…
« Euh… »
-
« Dites
DONC ! Vous n’étiez pas encore en train de rêvasser j’espère ! »
Mr Bristol avait repris son air sévère (les sourcils avec).
-
« Euh…
Non. Bien sûr que non ! » Eddy plissa à nouveau des yeux « Et la
peau ? Que voulez-vous dire ? »
-
Pikurdent
– toujours prêt à rendre service si ça
pouvait rapprocher l’heure de pause du
repas – s’empressa de répondre « Vous savez bien ! Ecailles dures en
cuirasse ou molles pour ramper, en forme de demi-lune comme les poissons pour nager, peau granuleuse pour se
camoufler ! Puis les cornes aussi : sur le nez ? la tête ?
AAAARRRRGH ! » Monsieur Bristol était en train de serrer la gorge de
Monsieur Pikurdent entre ses mains.
-
« Euh…. »
Eddy hésitait entre s’enfuir ou se pincer pour voir si il ne s’était pas
endormi en triant les °contraventions civiles ° dans son bureau.
-
Mr
Bristol réajusta son costume. « Pardon. BON. Eddy vous allez nous attendre
ici car nous avons encore pas mal de questions à vous poser ! Là nous
allons faire notre travail comme des
professionnels (Mr Bristol regardait avec insistance Pikurdent ) et
pendant ce temps-là vous ne bougez pas d’ici !
Devant la
porte du bureau marquée « MR EDDY, ARCHIVES SECTIONS CIVILES » Madame
Guyps faisait aller un brumisateur.
De l’autre
côté de cette même porte un dragon féroce cracheur de feu de 4 mètres de long
faisait une sieste roulé en boule comme
un gros chat (ronronnement et bave compris ; toute proportions gardées).
Monsieur
Bristol soupira en voyant une civile déjà dans
le chemin avec un brumisateur mais finit tout de même de boutonner sa
veste ignifuge avant d’aller voir de quoi il retournait.
Puis il
passa à son poignet une corde tressée et avança d’un pas tranquille vers la
zone de travail (Suivi d’un Mr Pikurdent qui avait plus que jamais l’air d’une
chouette effarée coiffée avec un pétard qui tenterait de transporter tout le bric et le broc d’un bourriquot dans
un désordre de mouvements dé coordonnés.).
A quelques
pas de la civile, Monsieur Bristol s’arrêta devant la porte.
-« Bonjour ! »
lança-t-il d’un ton sec.
-« Bonjour
Messieurs les Mages » répondit Madame Guyps.
La voix
était haut perchée et stridente, Monsieur Bristol comprit qu’il avait là
affaire à une personne sur les nerfs qui avait pour habitude de donner des
ordres.
-« Loin
de moi l’idée de vous brusquer, mais vous êtes dans notre zone de travail
Madame. Par contre je vois que vous avez eu l’excellente initiative de
rehausser le niveau d’humidité dans la pièce. Pensez-vous que vous pourriez
donner des ordres à votre personnel pour qu’il fasse de même dans le reste du
bâtiment ? »
Offrir à une
personne qui a l’habitude de donner des ordres l’opportunité d’en donner encore
plus et à plus de monde vous assurait une coopération et aveugle. Et
accessoirement vous permettait aussi de l’avoir hors des pattes…
-« Très
certainement ! Tout de suite Monsieur Le Mage ! C’est un
plaaaaaisiiiiir de faire mon devoir de citoyenne ! Je vais aussi insister
pour qu’on ne vous dérange pas ! »
Madame Guyps
partit en trottinant sur ses hauts
talons ; joyeux carillon de bijoux qui se secouaient dans tous les sens à
chacune de ses foulées.
Tout en
regardant Madame Guyps s’éloigner, Monsieur Bristol reporta son attention sur
Pikurdent.
-« Bon !
P I K U R D E N T. A votre avis, pourquoi le dragon n’a toujours pas défoncé
cette porte ? »
-« Euh… »
Pikurdent déglutit. Il fallait trouver quelque chose d’intelligent à dire mais
dans un laps de temps très court sous peine de voir réapparaître les sourcils.
« Peut-être
est-il tout simplement trop poli ? »
-« Hum…
J’ai du mal à déterminer si votre réponse tient de la stupidité ou du génie.
Mais ma foi ce serait une explication plausible. » Monsieur Bristol ajusta
la corde tressée et fit un nœud coulant qu’il maintint dans sa main droite.
« On va
miser sur votre idée alors. Prenez dans le sac de matériel le Magicmousse et
préparez-vous à bien viser quand j’aurai réussi à lui passer la corde au
cou ! »
-« Euh.
OK ; c’est vous l’expert hein ! » Pikurdent avait les genoux qui
s’entrechoquaient. Non seulement c’était la première fois qu’il avait vraiment
quelque chose sur le terrain – et dans ce cas-ci quelque chose de très
dangereux – mais en plus avec son estomac désespérément vide il sentait ses
jambes qui menaçaient de se dérober sous lui à tout moment.
Il vit
Monsieur Bristol se pencher doucement vers la porte et toquer.
-« Bonjour
Monsieur Dragon. Je vais ouvrir la porte mais vous seriez bien aimable
d’attendre que je vous y invite avant d’en sortir. D’avance un tout grand
merci à vous pour votre coopération.»
Le Dragon
était éveillé depuis plusieurs minutes car il y avait du remue-ménage de
l’autre côté de la porte du bureau marquée « MR EDDY, ARCHIVES SECTIONS
CIVILES ».
La porte
s’ouvrit.
Un curieux
bonhomme en longue veste en cuir le regardait dans les yeux (un autre semblait
se cacher derrière avec des genoux qui claquaient comme les dents d’un
squelette attaché à un rocher par grands vents).
Le dragon se
redressa – sa tête touchait le plafond- et releva sa queue en signe
interrogatif. Le bonhomme lui adressa un sourire et lui parla à nouveau.
-« Bonjour ! Je
vois que vous êtes bien éveillé. Auriez-vous, par hasard, l’extrême
amabilité de bien vouloir sortir tout
doucement ? »
Le Dragon
s’étira mollement en grognant et s’arrondissant le dos. Il fit un pas, puis un
autre. Il s’approchait de plus en plus de la porte.
Soudain,
tout alla de travers !
Par la porte
ouverte le Dragon vit Eddy à l’autre bout de la pièce qui passait sa tête par
la porte de la salle où il avait subi son interrogatoire.
Le Dragon
perdit toute trace d’affabilité et en rugissant bondit hors de la pièce en
arrachant des débris de bois et de
plâtre (la porte était bien entendu trop petite ) ! Les papiers volèrent à
nouveau en tous sens ; tout comme la dignité des mages lorsque leurs pieds
firent de même.
Eddy vit LE
dragon qui fonçait droit sur lui.
Pas le temps
de se poser des questions. Ses pieds pensèrent à sa place et se mirent à courir
très vite.
Des bureaux
explosèrent, des stylos et des plumes fondirent. Les dalles de la salle des
archives se soulevèrent dans les airs et retombèrent. Tous les murs du bâtiment
tremblèrent.
Pire qu’un
ouragan, un dragon enragé écumait et
faisait vibrer toutes les parcelles de magie naturelle dans l’air autour
de lui.
Plus tard on
raconta qu’un violent éclair s’était abattu sur le bâtiment des archives, au
coin de la rue Du Fourre-tout, et que tout avait pris feu. S’en aurait suivi un
méchant cyclone atypique qui aurait fini de tout faire voler en éclat.
Eddy plongea
au moment où un poisson empaillé chantant – tient c’était dans le bâtiment des
archives ça ? – vola à travers les escaliers et alla se fracasser en
morceaux sur le pavé de la rue.
Il grimaça
tout en se frottant les genoux et continua sa course. Il vit une vingtaine
d’agents de la garde arriver en courant et se précipiter à l’intérieur avec du
matériel anti-incendie.
Sans même
s’en rendre compte, Eddy se retrouva dans sa chambre. Haletant et en sueur, il
n’aurait même plus su dire comment il était arrivé là.
Il regarda
son lit et s’écroula dessus tout habillé ;
puant la sueur, la fumée et le rance mais heureux de pouvoir fermer les
yeux.
C’était un
rêve – non, un cauchemar - et tout
allait rentrer dans l’ordre demain. Il se lèverait comme d’habitude à 6h00,
prendrait sa douche et sa biscotte aux myrtilles sur son petit tabouret à sa
terrasse puis mettrait son uniforme pour se rendre au bâtiment des archives à
07h00.
Eddy sentit
les brumes du sommeil le trainer doucement dans une douce léthargie.
Du
feu , de la glace, de
l’acide , du poison, des lueurs mauves (pas comme celles du ciel mais
plutôt comme un ver luisant), des écailles cuivrées, dorées, luisantes,
caoutchouteuses, argentées, luisantes et mates.
De l’eau, de la terre, des arbres, de la roche.
Eddy remuait
dans son sommeil agité. Il avait l’impression de dormir sur un peau granuleuse qui
montait et descendait comme sous l’impulsion d’un souffle gigantesque.
Mais plus il
essayait de replonger et plus cette sensation s’imposait… Pour tout dire il
avait comme l’impression d’avoir aussi un souffle chaud qui lui ébouriffait les
cheveux.
Son cœur
sembla se figer et Eddy ouvrit tout doucement les yeux. Il osait à peine
respirer ; entre la prière et l’appréhension.
-« H I
I I I C ! » Le cri d’Eddy raisonné dans la pièce. Il était
cerné ! Immobile comme une biche en plein phare, Eddy tricotait du cerveau
pour analyser la situation.
Ne pas
bouger. Le temps que ses yeux s’habituent à la pénombre pour bien réaliser
toute l’ampleur de la situation.
Tout d’abord
il était SUR le ventre granuleux d’un dragon qui avait sa tête juste au-dessus
de la sienne (Il bougea sa main avant
qu’un filet de bave ne tombe dessus).
Visiblement il était le seul éveillé dans la pièce (Et c’était tant
mieux !). Le ventre était chaud, granuleux, doux et tout gris (ça aurait
presque pu être agréable si seulement ce n’était pas le ventre d’un dragon).
Comment ce dragon était monté sur son lit ? NON, comment il avait fini SUR
le ventre dudit dragon ?!
Il étudia
les possibilités de fuite… Au pied du lit il y en avait un tout petit (la
taille d’un chat) tout vert avec des petites écailles et des cornes de chèvres.
Sur le côté droit il ne voyait que le fessier rouge cuivré de ce qui semblait
un mastodonte avec des excroissances osseuses tout le long du dos. Sur le côté
gauche il avait une tête bleue triangulaire avec deux canines qui sortaient des
babines ; au bout de cette tête un cou serpentiforme qui s’enroulait à ne
plus en finir.
C’était mal
partit pour s’échapper… Dans le reste de la pièce il entendait remuer et voyait
vaguement son mobilier et ses vêtements bouger tout seuls comme si il avaient
une vie propre (ou étaient soulevés par des bestioles endormies un peu
partout…).
Quelle heure
pouvait-il bien être ? (Quand on est en état de stress c’est exactement le
genre de question débile et terre à terre qui vous aide à reprendre pied).
Mince !
L’heure ! Le réveil ! Eddy tourna les yeux dans la direction où
devait se trouver son réveil. 3h00. Pfiou ! Au moins il avait encore un
peu de marge pour réfléchir avant que la situation ne parte en vrille.
Bon… ne pas
faire de bruit. Mais d’abord comment descendre ?
Eddy posa
doucement la paume de sa main sur le ventre, puis l’autre. Il se mit à ramper à
quatre pattes tout doucement ver le pied du lit. Tendre doucement l’orteil vers
le rebord de bois pour ensuite enjamber la petite créature verte.
Souffler.
Eddy – tout tremblant – ferma les yeux pour essayer d’encore s’habituer à la
pénombre. Il les rouvrit avec l’espoir fou que tout aurait disparu. Comme tous
les espoirs ça n’avait bien entendu pas fonctionné.
Il était
maintenant au centre de la pièce, pieds nus (Mince ! Ses chaussures
étaient sous le lit.), avec sa veste en lambeaux, puant et vacillant entre le
rire hystérique et les larmes de désespoir.
C’était
vraiment une rafale de détonations
magiques. Les éclairs rebondissaient dans l’escalier d’Eddy. Les dragons se mirent à bouger.
Eddy, tombé
à genoux, eut conscience des quinzaines de pattes griffues qui passaient en
virevoltant autour de lui.
Un objet mat
et boursouflé atterrit sur le tapis. Eddy glissa sa main vers celui-ci et le ramassa. C’était sa besace en cuir avec
sa carte d’employé et sa dernière paye ! (Il ressentit - mais pas pour longtemps – un sentiment de
triomphe)
Les dragons
s’agitaient de plus en plus – la pièce était pleine de poussières, de plumes,
d’écailles et de fumée – et les mages aussi – l’escalier craquait de plus en
plus et l’air était saturé de magie – et
ça n’augurait rien de bon du tout !
Eddy vit un
halo de lumière à travers la fenêtre et pria à l’intervention divine alors
qu’il s’apprêtait à se ruer au milieu de la cohue pour tenter de se jeter par
la fenêtre.
Quelqu’un
quelque part dû l’entendre (ou mettez ça sur le compte des probabilités) car le
réveil sonna 6h00.
Il y eut un
moment de flottement. Tous les regards luisants étaient braqués sur l’origine
du bruit ; dans l’escalier résonnaient des chuchotements « C’était
quoi ça, un réveil ? ».
Eddy n’en
demandait pas plus, il se rua vers la fenêtre.
Eddy ignorait pour quelle raison précise il courrait. Au fond
de lui un vieil instinct primitif lui
disait que c’était le bon sens même… mais courir sans savoir où on va ça
titille la partie raisonnable du cerveau !
Comme tout habitant de
la ville Noyau-Céleste qui ne sait pas où aller à une heure déraisonnable
(entendez par là une heure où tous les autres bâtiments convenables sont
fermés), Eddy se rendit à la taverne « Au sol qui croustille » rue du
J’saispukoifer.
L’enseigne de la taverne « Au sol qui croustille »
pendait mollement sur un seul crochet (au début on hésitait à passer dessous
mais à force de venir on partait du principe que ça tomberait sur quelqu’un
d’autre). Eddy poussa la porte qui racla en pétarade sur le sol et frotta ses
pieds sur le paillasson plus par habitude que par réelle nécessité.
C’était bien connu : dans cette taverne si tu finis sous
la table soit tu trouves de quoi déjeuner sur le sol (y en a pour tous les
goûts) soit c’est le sol qui trouves à déjeuner.
Scritch scritch scritch scritch.
-La serveuse arrive près d’Eddy « Un table ou c’est
pour boire un verre au bar ? »
-« Euh…Je vais juste aller au bar merci ! »
Scritch scritch scritch scritch.
-Eddy regardait la serveuse repartir « …merci. »
Au bar il y avait déjà trois gardes en train de discuter qui
sentaient le mouflon ; visiblement plus en service depuis plusieurs heures
à en juger par le nombre de cadavres de chopes près d’eux.
Eddy se mit un peu à l’écart – en face du bol de pistaches –
et le regarda pensivement en se demandant si c’était bien prudent d’en manger
une.
Scritch scritch scritch scritch.
-Deux gros bras velus se dirigent vers Eddy (et le barman à
qui ils appartiennent) « Il boit quoi le bonhomme ? »
-Euh… vous avez autre chose que de la bière ? »
-« non »
-« Alors de la bière ; merci. »
Plus triste qu’un morceau de sucre dans un bol de vinaigre, Eddy sirotait sa bière en se demandant ce
qu’il allait faire après.
Il n’avait pas même fini de calculer le temps qui restait
avant le début de service aux archives qu’un des gardes se retourne vers
lui :
« Dis DONC ! Tu serais pas des fois le type qui
s’est échappé des archives puis qu’ils n’ont pas su serrer chez
lui ?! »
-Eddy manqua s’étrangler « PARDON ? Je suis
recherché ?! M O I ? »
-« Un peu mon neveu ! » (Eddy n’avait jamais
trop compris pourquoi certaines personnes s’inventaient des liens de parenté)
-« mais… je suis la victime de tout ce désastre !
D’abord un dragon m’attaque dans mon bureau, puis je me fais interroger, puis à
nouveau poursuivre et jusque chez moi je me retrouve cerné ! »
-Le garde éructe bruyamment « OH ! Oh !
Oh ! Calme-toi petit ! Les gars et moi on n’est pas en service.
Et on va certainement pas prendre des
notes ou serrer quelqu’un quand on est en pause ! La pause c’est
sacré ! »
-« mais… »
-Le garde le regarde d’un air conspirateur
« Par contre si j’étais toi j’irais me rendre avant de
tomber sur un cinglé qui veut te serrer ! «
-Son collègue ricane « Ouais ! Et le pire sur qui tu tomberais c’est
not’chef le Capitaine Kardigan ! »
-Et le dernier d’ajouter « Se faire serrer par lui c’est
aussi plaisant que de s’enfoncer un doigt cassé dans l’arrière
train ! »
-Eddy fit une grimace (à la fois pour l’odeur et
l’image mentale) « je dois aller où pour me rendre ? »
-Les gardes se regardent puis celui qui semble être le meneur
se penche vers lui « BON. On te fait une fleur parce que t’as une bonne
tête petit. On est pas en service mais on te file l’info contre une tournée.
L’avis de recherche il vient de la tour des mages ! Donc t’as qu’à te
rendre là-bas. »
-Eddy soupire et délasse sa bourse ; que faire
d’autre ?
Quelques temps avant ces évènements, un mage était descendu
du haut de la tour des études pour aller fermer la grande porte à clef.
Des messages partaient encore dans tous les sens au lieu de
se ranger dans la liste d’attente. Il haussa les épaules ; ce serait le
travail de quelqu’un d’autre demain.
Pour l’heure il allait remettre la clef à celui dont c’était
le tour de garde et il ferait un crochet aux cuisines pour se faire une tartine
de sardines au beurre de cacahuètes !
Pikurdent avait eu une rude journée ! Déjà qu’il n’y
avait plus de pâté aux myrtilles quand il était revenu de mission (et quel
désastre !) mais en plus il avait
été de corvée pour nettoyer et ranger tout le matériel de mission (et bon
sang ! de la bave de dragon ça colle pire encore que les excréments de
chouette !) !
Il n’y avait plus qu’à espérer qu’il ne croiserait personne
avec son larcin des cuisines à sa chambre.
Eddy était en face de la tour des mages. Toujours dans le
même piteux état que depuis l’incident ; mais près de la tour des mages
personne ne posait de question (Et encore moins si c’était bizarre !).
Il pleut. Eddy avait l’impression d’être une serpillère
gorgée d’eau.
La veste bleue d’employé des archives en lambeaux carbonisés, Eddy tendit le bras
vers le heurtoir et l’actionna.
BOUM BOUM BOUM BOUM !
Pas de réponse. Après plusieurs litres d’eau Eddy secoua le
verrou extérieur (on sait jamais) mais sans succès.
BOUM BOUM BOUM
BOUM !
La porte est toujours aussi verrouillée que la dernière fois
qu’il a essayé ; Eddy laissa son regard monter vers le haut du mur… Il y
avait bien une fenêtre.
Eddy se cramponne. Les pierres sont rugueuses donc ça devrait
être faisable.
Au moment le moins digne de la manœuvre (à savoir le
postérieur vers le ciel, le pied en équilibre et la grimace à quatre heure
moins le quart), la porte s’ouvre.
Un bout de chapeau tourne dans tous les sens. Puis deux gros
yeux ronds globuleux (avec la pluie dur de savoir si c’étaient des lunettes ou
d’origine) regardent Eddy.
« C’est vous qui avez frappé pour entrer ? »
-« Euh… oui. Je peux ? »
-« Oui. Mais pas par la fenêtre des cabinets si j’étais
vous. »
Eddy abandonna toute dignité (pour ce qu’il en restait… elle
devait être plus serrée que le portefeuille d’un nain des mines écossais) et se
laissa tomber au petit bonheur la chance sur le sol.
Eddy était devant la porte de la tour des mages.
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